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L’uranium naturel :
des ressources abondantes,
mais à quel prix ?
Société Dossier
Ecoles Associations Intermines Carnet Adresses
L’AVENIR DU NUCLÉAIRE
Daniel LEROY
Les cours officieux, publiés par différents intermé-
diaires sur le marché court terme, sont ainsi mon-
tés jusqu’à 45 US $/lb d’U
3
O
8
. Cette hausse a été
stoppée net par l’accident de Three Mile Island
(1978). Dans les années 80, la baisse, voire l’arrêt
du développement des programmes nucléaires qui
a suivi cet accident , a conduit, compte tenu des
engagements à long terme pris par les consomma-
teurs, à la constitution de stocks importants. La
diminution considérable des tensions sur les prix
qui en a résulté a été accentuée, vers la fin des
années 80, par l’apparition sur le marché de nou-
velles sources, provenant essentiellement d’URSS,
puis des pays de la CEI, à des prix très bas, infé-
rieurs aux coûts de production occidentaux. Les
prix ont ainsi atteint un minimum à 7,8 US $/lb
d’U
3
O
8
en 1992 puis, après une hausse temporaire
et spéculative en 1995 et 1996, un nouveau mini-
mum à 7 US $ en 2000. Ils sont aujourd’hui
(automne 2002) aux environs de 10 $/lb d’U
3
O
8
.
Dans le même temps, la production mondiale a
chuté. Elle représente aujourd’hui 36 000 tonnes
d’uranium, ce qui correspond à seulement 56% de
la consommation en uranium (64 000 tonnes). On
assiste depuis quelques années à une légère reprise
Historique
Le contexte offre-demande a considérablement
évolué. Avant le premier choc pétrolier, la produc-
tion était essentiellement commandée par les
besoins militaires, principalement des Etats-Unis à
l’Ouest et de l’URSS à l’Est, dans le contexte de la
guerre froide. Il n’y avait alors pas de marché de
l’uranium à proprement parler, les nations cher-
chant à extraire cette ressource stratégique de leur
propre sol, sans tenir grand compte des coûts de
production.
Au début des années 70, les premières transactions
sur le marché civil étaient enregistrées à un niveau
de l’ordre de 6 US $ par livre d’U
3
O
8
(voir figure 3).
Le premier choc pétrolier (1973) a bouleversé les
conditions du marché de l’uranium. Les prix ont
littéralement explosé, sous l’effet :
• des prévisions de croissance élevée de la
consommation électrique et de la production
nucléaire,
• des tensions sur le marché conduisant certains
pays producteurs à des comportements d’entra-
ve au libre commerce de l’uranium,
• des impositions de stocks stratégiques faites aux
électriciens par les gouvernements des pays
consommateurs.
Le marché de l’uranium présente un certain nombre de caractéristiques singulières.
Du côté de la demande, hormis quelques applications marginales (par exemple la
coloration des verres), les utilisations sont limitées à la seule industrie nucléaire. Les
stocks d’armes atomiques étant aujourd’hui excédentaires, la demande se limite donc
exactement aux besoins des réacteurs nucléaires civils, ce qui représente moins de
cinquante acheteurs. Du côté de l’offre, il existe une assez grande abondance des
ressources, habituellement classées en ressources primaires (les mines en exploita-
tion et les gisements exploitables), et secondaires (l’uranium déjà extrait du sol et
stocké). Toutefois, l’offre disponible sur le marché mondial est concentrée entre les
mains d’une poignée d’acteurs (compagnies minières ou négociants). La faiblesse du
nombre d’acteurs, et donc de transactions, rend ce marché peu fluide. Toutefois, le
niveau des prix dépend, comme sur tout marché, de l’équilibre entre offre et deman-
de, et il est susceptible de variations très importantes, comme nous l’enseigne le
passé. En effet, le temps d’adaptation de l’offre à la demande est très élevé, à cause
des délais très longs entre la découverte d’un nouveau gisement et l’introduction
effective du combustible en réacteur. Mais l’explication du passé ne nous apporte pas
nécessairement la clé des prix futurs...
Directeur de la Division
Combustible Nucléaire
d’EDF
Jean OLIVE (ECP74)
Responsable des
approvisionnements
en uranium à la Division
Combustible Nucléaire
d’EDF
Jean-Jacques ENGEL (P72)
Chef de la mission
stratégie, économie,
projets à la Division
Combustible Nucléaire
d’EDF
s Revue des Ingénieurs - Janvier / Février 2003
23

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de la production, mais elle reste inférieure à
la hausse de la consommation, ce qui accroît
encore la dépendance à l’égard des matières
secondaires. Ces dernières, apparues suc-
cessivement sur le marché regroupent :
• les stocks d’uranium excédentaires appa-
rus chez les électriciens, les producteurs
ou les gouvernements dès le début des
années 1980 (arrêt des programmes
nucléaires suite à l’accident de TMI).
• les matières recyclées (uranium et pluto-
nium, ce dernier sous forme de combus-
tible MOX).
• l’uranium appauvri ré-enrichi : depuis
1996, des quantités importantes d’ura-
nium appauvri (“tails”) peuvent être ré-
enrichies en Russie, qui dispose de capa-
cités d’enrichissement excédentaires.
• l’uranium militaire reconverti (démantè-
lement des ogives nucléaires) : l’accord
de 1999 sur la composante uranium natu-
rel du “HEU Deal” met une partie de ces
matières à la disposition des occidentaux.
Nous reviendrons sur cet accord qui a
déjà et devrait encore jouer un rôle impor-
tant dans le mécanisme de formation des
prix futurs.
Les réserves mondiales et
la production d’uranium
Contrairement à la perception qui prévalait
dans les années 1970, l’uranium est relative-
ment abondant dans la nature.
Le prix alors très élevé de l’uranium a favo-
risé l’exploration et conduit à la découverte
de gisements importants dont certains ne
sont pas encore exploités. C’est le cas pour
deux gisements majeurs, l’un au Canada
(Cigar Lake), l’autre en Australie
(Jabiluka), faute notamment d’une demande
suffisante et d’un prix de marché garantis-
sant leur rentabilité pour le producteur.
La totalité des ressources géologiques en
uranium n’est pas connue avec certitude et
cette notion ne présente que peu d’intérêt
pour évaluer le potentiel de production
d’uranium dans les années à venir.
En effet, les réserves en terre réellement dis-
ponibles pour l’industrie nucléaire doivent
intégrer la notion de viabilité économique
qui guidera, in fine, le développement ou
non de gisements associés à ces réserves.
Classiquement, l’industrie nucléaire se
repose sur les données publiées conjointe-
ment par l’AIEA et l’OCDE dans le “Red
Book” pour évaluer les réserves d’uranium.
Ces données distinguent les ressources
selon trois catégories principales :
ressources raisonnablement assurées
(RRA),
ressources supplémentaires estimées
(RSE),
ressources spéculatives (RS).
La World Nuclear Association (WNA),
organisation non gouvernementale basée à
Londres et qui rassemble tous les acteurs
(producteurs et consommateurs) du marché,
a développé une autre méthodologie pour
évaluer et classer les réserves d’uranium. La
définition de ces “réserves” est plus précise
que celle des “ressources” selon l’AIEA.
Selon ces deux sources, on peut estimer le
total des réserves d’uranium du monde, à un
coût de production inférieur à 40 US $ par
kg d’uranium, à plus de deux millions de
tonnes d’uranium, ce qui représente plus de
30 ans de besoins des réacteurs existants. Si
l’on considère des coûts de production jus-
qu’à 80 US $ par kg, le montant des réserves
peut être doublé, soit plus de 60 ans de
consommation du parc actuel de réacteurs.
En majorité ces réserves sont exploitables
de manière conventionnelle, c’est à dire soit
à ciel ouvert soit en souterrain. La part des
réserves exploitables par la technique de
lixiviation in situ (ISL) est assez faible. Elle
présente l’avantage d’un coût de production
relativement bas pour des gisements à faible
teneur, qui ne seraient pas exploitables éco-
nomiquement par les techniques classiques.
Mais elle implique des conditions géolo-
giques particulières, limitées aujourd’hui
aux Etats-Unis, à l’Asie Centrale
(Kazakhstan, Ouzbékistan, Mongolie) et à
certaines régions de l’Australie.
Pour une minorité de projets, l’uranium est
un co-produit ou un sous-produit (générale-
ment associé à l’or, le cuivre, le tungstène,
ou l’argent). Ceci permet d’accroître l’inté-
rêt économique de son extraction, qui peut
rester rentable pour des prix de marché très
bas. Les projets de ce type sont en Afrique
du Sud (mines d’or) et en Australie (mine
géante d’Olympic Dam).
Trois pôles géographiques principaux : le
Canada, l’Australie, et le Kazakhstan, totali-
sent environ les 2/3 des ressources mondiales.
Janvier / Février 2003 - Revue des Ingénieurs s
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Le Canada, le plus petit des trois en terme
de ressources, est aujourd’hui le premier
producteur mondial, grâce aux mines à très
haute teneur du bassin de l’Athabasca. A
elle seule, la mine de McArthur River a pro-
duit 6639 tonnes d’uranium en 2001, soit
près du cinquième de la production mondia-
le, à partir d’un minerai dont la teneur est en
moyenne de 20% !
L’Australie a limité jusqu’en 1996 l’exploi-
tation de ses réserves, qui sont les plus
importantes du monde occidental. En effet,
par cette politique dite “trois mines”, tout
nouveau développement de gisement se
trouvait bloqué au-delà de ceux de Ranger
et d’Olympic Dam, les deux plus grosses
mines actuellement en exploitation.
Aujourd’hui, la politique des “trois mines” a
été abandonnée et deux nouveaux projets
ISL ont pu voir le jour.
Avec des réserves prouvées proches du mil-
lion de tonnes d’uranium, et encore peu
exploitées, le Kazakhstan possède un poten-
tiel considérable. Sa production a été de
2000 tonnes d’uranium en 2001, mais elle
doit croître rapidement avec la mise en
exploitation de nouveaux projets. La teneur
moyenne en uranium du minerai est infé-
rieure à un pour mille, mais les conditions
favorables d’exploitation par la technologie
ISL conduisent à des coûts de production
relativement faibles.
Les autres réserves mondiales connues sont
partagées entre de nombreux pays, dont les
principaux exportateurs sont aujourd’hui
africains : Niger, Namibie, et Afrique du
Sud. Les réserves d’uranium en Chine sont
assez mal connues. Celles de la Russie sont
encore relativement importantes (au moins
175 000 tonnes à moins de 80 US $/kg),
mais la part de la production russe sur le
marché occidental a beaucoup diminué. La
production des Etats-Unis est devenue très
faible, en raison de coûts élevés liés notam-
ment aux exigences environnementales
(réhabilitation des sites). Quant à la produc-
tion française, elle est aujourd’hui totale-
ment arrêtée.
Les réserves connues d’uranium naturel
sont donc importantes et permettent d’ali-
menter les réacteurs existants sur au moins
60 ans, voire beaucoup plus (plus de 200
ans) si l’on rajoute les ressources classiques
estimées mais non découvertes, et des mil-
liers d’années si l’on compte les ressources
non conventionnelles (uranium contenu
dans les phosphates ou l’eau de mer). Il faut
noter toutefois qu’une partie importante des
réserves connues correspond à des coûts de
production bien supérieurs au prix actuel de
l’uranium. Leur exploitation devrait se faire
progressivement, en fonction de l’équilibre
entre l’offre et la demande, si toutefois les
contraintes légales et celles relatives à l’en-
vironnement restent raisonnables. Pour
accroître ces réserves un effort d’explora-
tion est nécessaire. Cet effort est actuelle-
ment très limité, et le prix actuel de l’ura-
nium n’incite pas les producteurs à l’aug-
menter rapidement.
Les trois principaux producteurs mondiaux
sont COGEMA (Canada et Niger principa-
lement), CAMECO (Canada) et Rio Tinto
(Namibie et Australie). Les autres acteurs
majeurs du domaine sont les producteurs de
l’ex-CEI ou leurs représentants (notamment
le Russe TENEX), et NUKEM, société de
trading filiale de l’énergéticien allemand
RWE.
Les paramètres clés de
l’équilibre offre-demande
La donnée essentielle à prendre en compte,
lorsqu’on souhaite analyser et comprendre
le marché actuel, est le fait que sur les 64 000
tonnes d’uranium naturel (ou équivalant)
que consomment chaque année les réacteurs
nucléaires, la production minière ne fournit
que 36 000 tonnes, soit 56% des besoins.
Une des conditions nécessaire au maintien
de prix bas pour l’uranium naturel est donc
la disponibilité future des matières secon-
daires qui comblent cet écart. A plus long
terme, une extension de la capacité de pro-
duction primaire sera également indispensable.
Les stocks civils.
On a vu précédemment que, de 1965 à 1985,
la demande d’uranium pour les programmes
nucléaires civils a cru très fortement, favori-
sant ainsi la croissance de la production
d’uranium, l’ouverture de nouvelles mines
ainsi que l’exploration. Au cours de ces
vingt ans, la production d’uranium a été
supérieure aux besoins des réacteurs. Avec
le ralentissement des programmes
nucléaires dans les années 80, des stocks
d’uranium considérables, autrefois considé-
s Revue des Ingénieurs - Janvier / Février 2003
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rés comme stratégiques, sont devenus excé-
dentaires et parfois mis sur le marché. Ce fut
notamment le cas à partir de 1989, suite à
l’éclatement de l’ex URSS, des stocks des
pays de la CEI, qui ont été acquis puis stoc-
kés par les électriciens occidentaux et autres
intervenants du marché. Autre fait notable,
lors de sa privatisation en 1998, l’enrichis-
seur américain USEC a reçu environ 29 000 t
d’uranium du gouvernement américain.
Aujourd’hui, il est certain qu’une part
importante de ces excédents de stocks a été
résorbée, mais il est très difficile d’en esti-
mer la quantité encore disponible. Ces don-
nées sont d’une part confidentielles, et
d’autre part sujettes à fluctuations. Il suffit
par exemple qu’un gros électricien nucléai-
re modifie sa politique, et veuille réduire
son stock stratégique pour des raisons finan-
cières, pour refaire croître l’excédent de
stocks mondial. Cette hypothèse n’est pas
un cas d’école, dans une période marquée
par la libéralisation des marchés de l’électri-
cité et la recherche de nouvelles sources de
compétitivité...
Les matières recyclées
Il existe dans les filières de réacteurs à eau
(qui constituent l’essentiel du parc mondial)
des possibilités de remplacer l’uranium
naturel par d’autres constituants issus du
recyclage des combustibles usés. EDF et
quelques autres électriciens recyclent ainsi
leur plutonium sous forme de combustible
MOX (oxyde mixte de plutonium et d’ura-
nium), ce qui permet une économie de
l’ordre de 10% de leur consommation d’ura-
nium naturel. L’uranium issu du retraite-
ment peut, lui aussi, être recyclé ou stocké.
Un recyclage intégral (EDF ne pratique
aujourd’hui qu’un recyclage partiel) condui-
rait à une nouvelle réduction de 10% de la
consommation d’uranium naturel. De nom-
breux électriciens ne pratiquant pas le recy-
clage, il existe là aussi une source potentiel-
le de nouvelles matières secondaires, mais
pas à court terme car le délai de constitution
d’une filière de traitement des déchets et
recyclage est long et l’intérêt environne-
mental de cette filière n’est pas perçu dans
tous les pays. La substitution partielle de
Mine à ciel ouvert et usine de McClean (Canada) - photo COGEMA
Janvier / Février 2003 - Revue des Ingénieurs s
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l’uranium naturel par du MOX n’est cepen-
dant pas limitée aux compagnies d’électrici-
té qui traitent leurs déchets : les Etats-Unis
ont en effet décidé de recycler du plutonium
militaire dans des réacteurs à eau pressuri-
sée de l’électricien Duke Energy. Si cette
expérience se généralisait, il en découlerait
une nouvelle réduction des besoins.
Globalement, le recyclage du plutonium et
de l’uranium de retraitement n’apparaît
cependant pas comme une source potentiel-
le considérable de matières secondaires.
L’uranium reconstitué
L’uranium naturel ne contient que 0,7%
d’uranium fissile, l’isotope 235. La plupart
des réacteurs à eau ne peuvent pas fonction-
ner avec une si faible teneur, et l’uranium
doit être enrichi en uranium 235, jusqu’à des
teneurs de l’ordre de 4%. Les seules usines
d’enrichissement à l’échelle industrielle
sont en Russie, aux Etats-Unis (USEC), et
en Europe (URENCO et EURODIF). Dans
le processus d’enrichissement, on génère à
partir de l’uranium naturel, au prix d’un
gros apport d’énergie, de l’uranium enrichi
à la teneur désirée, mais aussi une grande
quantité d’uranium appauvri en isotope 235.
Ce sous-produit n’est cependant pas sans
valeur. Il peut être lui-même ré-enrichi de
façon à reconstituer de l’uranium naturel.
Ceci n’est possible de façon économique
que dans des circonstances très particulières :
la disponibilité de machines d’enrichisse-
ment peu consommatrices d’énergie. Ces
circonstances existent en Russie où des
machines utilisant l’ultracentrifugation
avaient été construites en grand nombre
pour produire l’uranium hautement enrichi
(HEU) dont avaient besoin les militaires. La
quantité maximale d’uranium pouvant être
reconstituée à partir des “tails” (uranium
appauvri) peut être estimée en théorie à
environ 6000 tonnes par an (10% des
besoins annuels). De fait, le ré-enrichisse-
ment n’est pratiqué aujourd’hui qu’à petite
échelle compte-tenu du faible prix de l’ura-
nium naturel. La ressource constituée par
l’uranium appauvri est donc en fait assez
limitée.
Le HEU Deal
Les accords de désarmement entre les Etats-
Unis et la Russie ont conduit ces deux pays
à décider le recyclage dans les réacteurs
civils
(programme “Megatons to
Megawatts”) de 500 tonnes de HEU russe
entre 1998 et 2013. Ce HEU permet par
dilution et “désenrichissement1” de consti-
tuer 150 000 tonnes d’uranium naturel, qui
sera commercialisé sur tout cette période
dans des conditions très strictes (qui portent
sur les quantités annuelles, les prix, et
ANNEXE 1 :
l’uranium naturel, une ressource naturelle plutôt abondante
L’uranium est relativement abondant dans la croûte terrestre mais sa répartition n’y est pas
uniforme. Dans la partie continentale, il tend à se concentrer dans les dix kilomètres supé-
rieurs de son épaisseur avec une teneur moyenne de 3 à 4 g/t et une teneur dix fois plus forte
dans les roches éruptives acides que dans les roches basiques. La croûte océanique a une
teneur inférieure à 1 g/t et l’eau de mer en contient environ 3 mg/t.
GEOLOGIE
On considère comme minerai les concentrations anormalement élevées par rapport aux
valeurs communément connues (voir ci-dessus) : d’une fraction de kg à plusieurs kg par tonne
(exceptionnellement plusieurs de dizaines de kg/t).
Ces concentrations ont été rendues possibles au cours des âges par la variété et la multiplici-
té des propriétés chimiques et physiques de l’uranium qui le rendent apte à entrer dans
diverses combinaisons facilitant, selon le cas, sa mise en solution ou sa précipitation.
Il existe plus de 200 minéraux uranifères qui se répartissent dans une grande variété de types
de gisements et de sites géologiques. On citera uniquement les deux types sur lesquels se
concentrent aujourd’hui les efforts d’exploration et qui correspondent aux gisements mis en
exploitation depuis 1980 :
• les gisements liés à la discordance du protéro-zoïque inférieur/moyen, de type filonien et
encaissés dans des grès ou des sédiments au voisinage d’un socle plus ancien métamor-
phique et granitique ou granito-gneissique. On les trouve au Canada, dans le Saskatchewan
avec parfois de très fortes teneurs (gisements du bassin de l’Athabasca) et dans les territoires
du nord de l’Australie (gisement de Ranger).
• les gisements contenus dans les grès et concentrés à basse teneur (1 à 5 kg/t) sous forme
de lentilles ou de couches horizontales. On les trouve principalement dans les grands bas-
sins sédimentaires (Ouest des Etats-Unis, Kazakhstan, Mongolie, Australie méridionale),
mais aussi au Niger, au Gabon, et à Lodève et Coutras en France.
TECHNIQUES D’EXPLOITATION
La rentabilité de l’exploitation dépend du coût d’extraction de la tonne de minerai et de sa
teneur en uranium.
On peut ainsi définir pour chaque site une “teneur de coupure”, valeur en dessous de laquel-
le il n’est pas intéressant d’exploiter (pour des conditions économiques du marché données).
On distingue 3 méthodes principales d’exploitation des gisements d’uranium.
EXPLOITATION A CIEL OUVERT
Ce type d’extraction “en carrière” est fréquent surtout lorsque le minerai est peu profond.
La plupart des gisements anciens ont, au départ, été exploités ainsi parce que les méthodes
de recherche disponibles ne permettaient pas la détection de corps radioactifs profondément
enfouis. La profondeur admise pour ce mode d’exploitation est fonction du bilan économique
en comparaison de celui que l’on aurait avec un autre mode opératoire. La nature des terrains
et les puissances du gisement sont alors des paramètres importants. Le coût total de produc-
tion dépend en effet fortement du volume des terrains manutentionnés.
EXPLOITATION EN GALERIES
Les caractéristiques du gisement, et notamment sa profondeur, conduisent souvent à ce type
d’exploitation et, dans de nombreux cas, c’est ainsi qu’est poursuivie l’exploitation d’un site
amorcé à ciel ouvert.
Dans ces mines, lorsque la teneur du minerai est faible, le volume des terrains à extraire impo-
se souvent la mise en place de “descenderies” importantes qui sont des tunnels à forte pente
(plus de 15%) où circulent des camions de 20 à 25 tonnes.
Ces descenderies desservent les postes d’extraction qui doivent être abondamment ventilés
en raison du dégagement, lors de l’abattage, des descendants gazeux radioactifs de l’uranium
(radon).
LIXIVIATION IN SITU (In Situ Leaching ou ISL)
Certains gisements pour lesquels le minerai est très dispersé dans le sol et dont les caractéris-
tiques hydrogéologiques sont favorables peuvent être exploités par ce procédé, même avec
de faibles teneurs. On injecte dans le sol une solution oxydante (à 300 ou 500 m de profon-
deur dans les cas connus) par des tubes disposés selon un pas convenable ; on aspire par
d’autres tubes placés dans la maille ainsi formée, une solution qui contient des sels d’uranium
que l’on traite chimiquement. Le faible coût et la souplesse de ce mode d’extraction permet-
tent d’exploiter des gisements particulièrement pauvres.
s Revue des Ingénieurs - Janvier / Février 2003
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l’identité des intermédiaires). Sans entrer
dans les détails de cet accord complexe, on
notera qu’il conduit à un flux régulier de
matières secondaires équivalent à près de
10 000 tonnes par an, soit plus de 15% des
besoins des réacteurs. Le prix de ces
matières a été fixé à une valeur suffisante
pour ne pas concurrencer de façon dange-
reuse les mines en opération. Ceci a été un
frein à leur commercialisation jusqu’à pré-
sent. Aujourd’hui, elles commencent à être
ANNEXE 2 :
De la mine à l’uranium enrichi, les différentes étapes de la transformation
Avant de devenir un assemblage combustible chargé dans un réacteur nucléaire, l’uranium subit de nombreuses transformations.
CONCENTRATION DU MINERAI
Dans tous les cas, les teneurs des minerais extraits sont trop faibles pour faire l’objet d’un transport. L’exploitation du gisement doit donc s’ac-
compagner d’un traitement sur place afin d’extraire la majeure partie des stériles associés à l’uranium :
•CONCASSAGE, BROYAGE ... opérations mécaniques pour obtenir une poudre de granulométrie de 0,4 à 0,8 mm ;
•ATTAQUE SELECTIVE du minerai. Le plus souvent il s’agit d’une attaque acide (acide sulfurique + agent oxydant) ou dans certains cas (mine-
rais carbonatés riches en sulfures et matières organiques) alcaline (par un mélange carbonate - bicarbonate de sodium) ;
•SEPARATION des liqueurs et du stérile solide (décantation, filtration, etc.);
•PURIFICATION des solutions sur résines échangeuse d’ions ou solvants aminés dans un mélange d’hydrocarbures (parfois les deux successi-
vement) ;
•PRECIPITATION du concentré par une base : magnésie, soude ou ammoniaque. On obtient ainsi de l’uranate de magnésie, ou de soude, ou
un diuranate d’ammonium ;
•FILTRATION et SECHAGE du précipité, poudre jaune appelée “yellow cake” qui, mis en fûts métalliques de 220 l (fût normalisé “pétrole”)
constitue généralement le produit commercialisable qui quittera la mine. Ce produit contient de 70 à 75% d’uranium.
•CALCINATION du “yellow cake”, conduisant à sa transformation en oxyde U
3
O
8
, la forme chimique la plus stable de l’uranium. Cette opé-
ration n’est réalisée que dans des cas particuliers (notamment en vue d’un stockage de longue durée).
CONVERSION EN HEXAFLUORURE
Egalement appelée fluoration, cette étape mineure en coût, mais néanmoins essentielle du cycle du combustible, à pour but la purification des
concentrés uranifères et leur transformation en hexafluorure d’uranium (UF
6
). Ce composé, qui se transforme en gaz à des températures peu
élevées, est la forme requise pour procéder à l’étape suivante d’enrichissement. Il est obtenu par une suite de traitements chimiques dont les
principales étapes sont les suivantes :
•PURIFICATION : les concentrés sont dissous dans un bain d’acide nitrique. La solution de nitrate d’uranyle (UNH) ainsi formée peut alors être
purifiée par filtration et traitement par solvant organique.
•NEUTRALISATION : par réaction à chaud avec de l’ammoniac, on obtient du diuranate d’ammonium, qui est ensuite transformé en UO
3
par
calcination, puis réduit en UO
2
.
•HYDROFLUORATION : par addition d’acide fluorhydrique (HF) dans un réacteur à lit fluidisé, on obtient du tétra-fluorure UF
4
.
L’hexafluorure est souvent produit dans une unité indépendante. Il résulte en effet, de la réaction à très haute température (réacteur à flamme)
de l’UF
4
avec du fluor pur, qu’il faut produire sur place par électrolyse. L’unité de conversion s’apparente donc plus à une usine de transforma-
tion du fluor qu’à une usine de transformation de l’uranium.
Il existe également un procédé de conversion directe sans passer par l’étape de l’UF
4
, utilisé aux Etats-Unis par Converdyn.
ENRICHISSEMENT
Il s’agit d’un processus de transformation physique permettant, pour une partie de l’UF
6
traité, d’augmenter la teneur en isotope 235 plus
“léger” (l’uranium enrichi), en compensation d’un renforcement du reste du flux d’UF
6
en isotope 238 “lourd” (l’uranium appauvri). Il existe à
ce jour deux procédés disponibles industriellement : la diffusion gazeuse et l’ultracentrifugation. Dans le premier cas, la séparation des isotopes
est obtenue par mise en pression du gaz et diffusion à travers une barrière poreuse. L’isotope le plus léger diffuse un peu plus facilement, ce qui
permet l’effet de séparation. Dans le cas de l’ultracentrifugation, ce même effet est obtenu en injectant le gaz dans une machine en rotation à
très grande vitesse. Dans les deux cas, l’effet de séparation est minime et pour obtenir un enrichissement suffisant, le gaz doit traverser une
“cascade” de tubes de diffusion ou de centrifugeuses.
Les deux procédés, même s’ils ne sont pas équivalents par leurs performances (la diffusion gazeuse est beaucoup plus gourmande en énergie)
permettent d’ajuster non seulement la teneur en U
235
de l’uranium enrichi, mais aussi celle de l’uranium appauvri, que l’on appelle “teneur de
rejet”. Le choix de cette teneur permet, pour une même production d’uranium enrichi, d’arbitrer entre le coût de l’enrichissement (exprimé en
Unités de Travail de Séparation - UTS), et celui de l’uranium naturel (exprimé en tonnes d’uranium). Une faible teneur de rejet (par exemple
0,2%) minimise la quantité d’uranium nécessaire, mais oblige à fournir beaucoup d’UTS. On choisira ce type de réglage lorsque l’uranium natu-
rel est cher et les UTS peu chères. A l’inverse, augmenter la teneur de rejet (par exemple à 0,35%) nécessite plus d’uranium et moins de travail
de séparation. Dans ce dernier cas, le sous-produit uranium appauvri est plus riche en U
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, et on peut envisager plus facilement sa réutilisation
(ré-enrichissement).
compétitives et en cas de tendance à la haus-
se sur le marché de l’uranium, ces matières
produiront un effet modérateur sur les prix.
Par ailleurs, il existe certainement, au-delà
de ce premier accord, un potentiel important
(mais impossible à chiffrer compte tenu du
caractère secret de ces informations) d’ura-
nium militaire en excès. La contribution des
autres matières secondaires étant très incer-
taine et soumise à de nombreux freins, les
matières militaires, notamment celles issues
de la dilution de l’uranium hautement enri-
chi, apparaissent donc aujourd’hui comme
un apport essentiel à l’équilibre off r e -
demande à moyen terme du marché de
l’uranium naturel.
Le démarrage de nouvelles productions
Pour faire face à un éventuel accroissement
de la demande, ou à une réduction du flux
des matières secondaires, les producteurs
disposent d’un certain nombre de leviers,
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actionnables à des échelles de temps diffé-
rentes :
• à court terme (quelques mois), il est pos-
sible d’augmenter la production des
mines existantes dont la capacité n’est pas
totalement utilisée. A une échéance un
peu plus lointaine (une année), il est pos-
sible d’augmenter la capacité de produc-
tion de certaines mines en supprimant
certains goulots d’étranglement.
• à moyen terme (plusieurs années), la mise
en production de mines actuellement non
démarrées pour des raisons techniques,
économiques ou réglementaire peut être
organisée. C’est ainsi que CAMECO et
COGEMA se réservent la possibilité de
décaler le démarrage de Cigar Lake,
aujourd’hui prévu en 2005, selon l’état du
marché. La mise en exploitation de gise-
ments bien identifiés mais n’ayant pas fait
l’objet de travaux de pré-exploitation peut
s’avérer plus longue (de deux ans pour la
technologie ISL à parfois plus de 10 ans
pour le souterrain profond).
• à long terme (plusieurs dizaines d’an-
nées), la recherche de nouveaux gise-
ments peut aboutir à des découvertes et à
la mise en exploitation de nouvelles
mines. La longueur de ce processus
dépend beaucoup de l’ampleur des
moyens consacrés à l’exploration.
Aujourd’hui, cet effort est très faible, et
seule une perspective de montée substan-
tielle des prix, qui n’existe pas à ce jour,
inciterait les producteurs à accroître leur
effort.
La demande
Même si elle n’évolue désormais qu’à un
rythme très modéré dans les pays dévelop-
pés, la demande d’électricité mondiale
devrait croître fortement et inéluctablement
au cours du 21
ème
siècle, tirée par les pays
en développement. Quelle part le nucléaire
prendra-t-il dans cette croissance ? Les pré-
visionnistes s’accordent de plus en plus sur
une perspective de croissance modérée,
n’excluant pas une stagnation de la puissan-
ce nucléaire installée à l’horizon des 10 pro-
chaines années : une éventuelle renaissance
du nucléaire aux Etats-Unis, si elle voyait le
jour dans les cinq ans qui viennent, ne pro-
duirait pas d’effet rapide compte tenu du
délai de construction des centrales. On peut
donc considérer que la demande en uranium
naturel sera assez stable jusqu’en 2010-
2015. A plus long terme, il existe des scéna-
rios plus contrastés, les extrêmes étant un
doublement de la demande en uranium en
2030, ou à l’inverse une diminution pro-
gressive dans la perspective d’un non-
renouvellement des parcs installés actuels.
Vers où va le marché ?
Si l’on prend en considération toutes les
possibilités d’évolution des paramètres
précédents, il est très difficile de prédire
l’évolution du marché. Les pessimistes
peuvent facilement montrer qu’il existe
un risque non négligeable de pénurie
d’uranium à l’horizon 2020, ou même
avant. Le scénario serait le suivant : les prix
restant bas pendant encore longtemps,
aucun effort d’exploration ne serait entre-
pris, ce qui neutraliserait le troisième levier
d’adaptation de l’offre à la demande évoqué
précédemment. Ainsi, lorsque les matières
secondaires seraient épuisées, les mines et
les gisements actuellement connus ne suffi-
raient pas à couvrir la demande, même si
elle restait à son niveau actuel. Un autre scé-
nario, optimiste pour les producteurs, et tout
aussi plausible, est le suivant : la perspecti-
ve d’un épuisement des matières secon-
daires entretient un mouvement régulier de
remontée des prix de l’uranium. Celui-ci
relance l’exploration et incite à la mise en
exploitation des réserves déjà identifiées.
Ainsi, la production peut s’adapter à une
demande croissante, mais les prix se stabili-
sent à une valeur nettement supérieure aux
cours actuels. Un troisième scénario, favo-
rable aux utilisateurs, serait le maintien
durable de la situation actuelle, avec à court
terme une demande en stagnation pouvant
être satisfaite par les sources actuelles et les
extensions de production déjà prévues, et à
plus long terme la prolongation des flux
d’uranium d’origine militaire grâce à un
deuxième “HEU Deal”.
Il serait en conclusion bien hasardeux
d’émettre un quelconque pronostic sur les
futurs prix de l’uranium. On discerne, à la
lumière d’anticipations déjà visibles ou
potentielles des différents acteurs, la présen-
ce d’un certain nombre d’élasticités dans le
marché capables de servir un équilibrage
entre l’offre et la demande, et rendant plutôt
improbables les scénarios-catastrophes. Le
prix futur de l’uranium reste donc incertain
et justifie chez tous les “grands” du nucléai-
re une attention stratégique élevée, mais du
fait de sa quote-part faible contribution dans
le coût de l’électricité et des contreparties
offertes par l’existence de voies de recycla-
ge, cette incertitude n’est pas un handicap
majeur pour l’industrie nucléaire dans son
ensemble, ni pour son développement
même si elle représente unenjeu crucial
pour certains producteurs.
1
Le HEU russe (High Enriched Uranium), dont la
teneur en isotope 235 atteint 90%, ne peut pas être
commercialisé sous cette forme pour des raisons de
sûreté et de non prolifération. Il est donc préalable -
ment mélangé à de l’uranium appauvri pour consti -
tuer du LEU (Low Enriched Uranium) à 4,4% et
envoyé sous cette forme à l’usine d’enrichissement
d’USEC (Etas-Unis). USEC l’utilise (après d’éven -
tuels ajustements de teneur) pour satisfaire en partie
les commandes d’enrichissement de ses clients sans
faire tourner son usine. L’uranium naturel livré par
ces clients se retrouve donc transformé (bien qu’il
soit physiquement inchangé) en “ HEU dés enrichi “
ou “ Unat d’origine HEU “. Cet uranium naturel
n’appartient pas à USEC et peut être soit récupéré et
ré-importé par son propriétaire russe, soit commer -
cialisé par des sociétés occidentales (CAMECO,
COGEMA ou NUKEM).
Mine souterraine de LODEVE (photo COGEMA)
Mine souterraine de SOMAÏR (photo COGEMA)
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